Tokyo. Treize mètres carrés. Ishiko San vit là, dans ce refuge
aux tons pastels. À vingt-quatre ans, elle travaille dix heures
par jour comme télé-conseillère. « J’apprends aux Japonais
à se servir de leur téléphone ». Le temps, elle n’en a plus conscience. Pendant ses jours de repos, elle traîne de son lit
à l’évier, de l’évier à son tabouret, du tabouret à son lit.
Ma présence ne semble pas l’affecter.
Dans le silence, ses postures amorcent le dialogue avec
ma caméra**. S’habiller, se maquiller, pour se dissimuler
et donner à voir ce que la société exige. Ishiko San arbore une étrange transparence qui la nie et la protège en même temps. S’abandonnant aux excès, Ishiko San n’en garde pas moins
la retenue de manger dos à moi. Dans cet espace réduit,
son silence, ses ecchymoses, traduisent peut-être sa difficulté d’être.